L’éducation thérapeutique

L’éducation pour la santé ou éducation thérapeutique a affiné ses réflexions et outils d’intervention. Elle n’en pose pas moins la question de l’éthique tant personnelle que professionnelle du soignant. Une telle éthique ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la considération que l’on a pour la personne dont l’affection modifie parfois en profondeur la trajectoire de vie.



Objectifs

Ce que l’on nomme aujourd’hui « éducation thérapeutique » procède d’un état d’esprit : s’intéresser aux hommes et aux femmes malades – physiquement ou psychiquement – dans ce qu’ils ont à vivre avec leur affection et le traitement qu’elle requiert. Il s’agit de la sorte de s’intéresser au devenir de cette personne qui vit ce qu’elle a à vivre de manière singulière ce qui n’équivaut pas à le vivre de manière isolée ; en effet, la famille, les proches, parfois les collègues de travail ou de scolarité, ont un impact déterminant qui ne peut être ignoré dans une démarche d’éducation. Cette centration sur l’humain singulier et complexe qui va son existence, interpelle l’intention même du soignant : s’agit-il de l’éduquer, c’est-à-dire, tels des parents dans l’éducation du jeune enfant, le conduire là où le professionnel a décidé qu’il devait aller ou, de manière plus subtile mais également plus respectueuse de sa singularité, de l’accompagner dans le cheminement parfois troublant et souvent hésitant qui caractérise toute existence humaine ?

L’éducation thérapeutique s’offre aujourd’hui plus que jamais, et pour des raisons diverses, comme une possibilité de porter plus d’intérêt à la personne soignée et, à ce titre, comme le soutiennent plusieurs auteurs[1] [2], elle apparaît comme un des moyens majeurs d’une plus grande humanité au sein du système de soins. Néanmoins, elle n’est pas à l’abri des dérives et nourrit des critiques. La dérive pourrait être celle d’une nouvelle forme d’autoritarisme et la critique, entre autres, celle d’un manque d’évaluation convaincante – ou magistrale – de son efficacité. C’est ainsi que dans un document récent (2008) du Centre d’éducation du Patient relatant une étude menée en Belgique, France, Pays-Bas et au Royaume-Uni, les auteurs mentionnent « tout au long de ces 10 dernières années, un mécontentement croissant est apparu envers des termes comme ‘éducation du patient’ ou ‘éducation de patient/éducation thérapeutique’. Ces termes induisent une différence de niveau dans la relation référant à une relation ‘parent-enfant/élève-professeur’ ». Se référant à la langue néerlandaise, le terme utilisé aux Pays-Bas est « patiëntenvoorlichting » ce qui signifie littéralement « précéder quelqu’un avec une lumière pour qu’il puisse voir où aller ». Pour les auteurs de l’étude, ceci exprime exactement la relation entre patient et soignant : le professionnel de la santé assiste le sujet malade dans le processus thérapeutique[3]. Les différents soignants qui, ensemble, composent l’équipe pluridisciplinaire accompagnent ainsi la personne soignée sur les chemins, parfois bien chaotiques, de « la vie qui dorénavant s’organise » avec une maladie, une modification des habitudes de vie voire avec des incapacités pouvant conduire à de nombreuses situations de handicap.

 

En présentant les chemins qui leur paraissent accessibles et en tenant un discours sur chacun de ceux-ci, ils augmentent de la sorte le « champ des possibles » permettant parfois aux patients et à ses proches d’entrevoir de la lumière là où seule la pénombre semblait s’imposer. Nous pouvons ainsi retenir que l’éducation thérapeutique constitue un ensemble de moyens qui s’inscrivent dans une finalité commune à l’ensemble d’une équipe pluridisciplinaire. De la sorte, lorsqu’elle s’interdit de vouloir indiquer une forme de voie unique au patient, l’intention de l’éducation thérapeutique, intention qui détermine la posture professionnelle de ses acteurs, peut se définir comme suit :

Aider la personne à prendre soin d’elle-même et à se créer un mode de vie porteur de sens pour elle et compatible avec sa situation, et ce, quelle que soit son affection[4].

C’est de la clairvoyance et de la précision de l’intention que naît une pratique porteuse de sens et respectueuse de la personne. Une telle intention et les pratiques qui la prolongent requièrent de « prendre le sujet désirant au sérieux » ce qui confrontent les professionnels à la réflexion sur leurs propres limites et à l’acceptation, parfois momentanée, d’un désir du sujet qui semble bien éloigné de ce que les professionnels auraient aimé réaliser.

[1] Brigitte Sandrin Berthon, « L’éducation pour la santé des patients : une triple révolution », in « L’éducation pour la santé des patients – un enjeu pour le système de santé », actes du Colloque européen, Comité français d’éducation pour la santé, Paris, les 10 et 11 juin 1999, Ed. CFES, juillet 2001, p. 21-32.

[2] Alain Deccache et Eric Lavendhomme, « Information et éducation du patient – des fondements aux méthodes », Ed. De Boeck, Bruxelles, 1989

[3] Karin van Ballekom, « L’éducation du patient en hôpital – L’autonomie du patient : de l’information à l’éducation », Centre d’éducation du patient, Godinne (Belgique), février 2008.

[4] Walter Hesbeen, Penser le soin en réadaptation – Agir pour le devenir de la personne, Ed. Seli Arslan, Paris, 2012



Contenu

La formation se déroule en trois temps. Notre préoccupation pour chacun de ces trois temps, au-delà des apports de connaissances et du contenu concret, est celui d’éviter les compréhensions superficielles ou simplificatrices ce qui conduit à des incohérences dans l’action. Ce risque ne peut être écarté par les seules précisions terminologiques de définitions et de concepts. En effet, si les précisions terminologiques sont indubitablement incontournables pour un travail en commun, la seule acquisition d’un langage commun ne débouche que sur une illusion de compréhension. C’est ainsi que l’acquisition d’un langage commun n’équivaut pas à s’assurer d’une compréhension commune et partagée au sein d’un groupe. Si le langage peut être expliqué et précisé, la compréhension requiert un travail à la fois personnel de cheminement et de groupe pour en affiner le sens et en préciser les subtilités. En effet, par le travail de compréhension commune, il ne s’agit pas de se mettre d’accord sur les mots mais de chercher à comprendre ensemble la finalité de notre action commune qui se décline par des métiers au contenu complémentaire et parfois sensiblement différent. C’est cette quête de compréhension commune qu’il s’agit de mettre en mots. C’est ainsi que la compréhension commune procède d’un travail approfondi qui interpelle les représentations, qui conduit au regard critique de ce qui est « bien entendu » et qui autorise les ruptures avec des représentations parfois solidement ancrées. Le travail de compréhension commune est celui du travail de la pensée, il s’agit ensemble de penser la finalité de l’action professionnelle du quotidien et les prolongements opérationnels cohérents, réalistes, possibles ou espérés en matière d’éducation thérapeutique du patient.

Dans ce sens, notre proposition vise à développer la réflexion des professionnels de la santé autour de ce qui peut faire l’objet de ce travail de compréhension commune tant de la finalité de l’action soignante que du moyen qu’est l’éducation thérapeutique et des modalités spécifiques, concrètes et créatives de la mettre en œuvre, au sein des pratiques du quotidien.

 

Temps 1 – deux journées

– La culture « Education thérapeutique du patient » –

Ces deux journées doivent permettre aux participants de trouver des réponses aux questions suivantes et de les mettre en perspective :

  • qu’appelle-t-on éducation thérapeutique et quels sont les différents termes ou expressions utilisés pour la désigner, la nommer ?
  • quel est l’historique de cette éducation ? pourquoi est-elle apparue dans la démarche des professionnels de la santé ?
  • quelles sont les tendances actuelles, les courants de pensée ?
  • qu’est-ce qu’une posture éducative ? quelles vigilances sont requises ?
  • comment l’éducation thérapeutique s’inscrit-elle dans les préoccupations de santé publique ?
  • quels sont les aspects économiques ?
  • quels sont les principaux enjeux éthiques ?
  • quelles sont les techniques et modalités les plus fréquemment utilisés ?
  • quelle est la place de chacun au sein d’une dynamique d’éducation thérapeutique ?

 

Temps 2 – deux journées

– Diagnostic thérapeutique ou questionner autrement le patient –

Jour 1 :

  • reprise des questions associées aux apports du premier temps et approfondissement des concepts et données de référence,
  • travail de compréhension commune de ce qu’est pour l’ensemble des participants l’éducation thérapeutique dans le contexte professionnel particulier qui est le leur
  • qu’est-ce qu’un programme d’éducation thérapeutique ? quelles en sont les composantes et quelles sont les conditions organisationnelles et personnelles de sa mise en œuvre ? comment peut-on procéder à son évaluation ?
  • qu’est-ce qu’un diagnostic dans le domaine de l’éducation thérapeutique ? comment se pose-t-il ? quels en sont les intérêts et les limites ?

 

Jour 2 :

  • à partir de vignettes cliniques apportées par les participants, quels enseignements en tirons-nous pour mener nos actions d’éducation thérapeutique du patient?
  • quels sont les outils qui peuvent nous être utiles et que nous pouvons identifier à partir des vignettes cliniques ?
  • quelle importance accordons-nous à nos connaissances, leur approfondissement, leur élargissement et leur actualisation ?
  • quelle place accordons-nous à la personne soignée et comment prenons-nous en compte ce qui est important pour elle, là où elle en est à un moment précis de son cheminement et du décours de sa maladie ?
  • quelle distinction opérons-nous entre un projet, un programme et des objectifs ?
  • quelle place laissons-nous à notre créativité, notamment au recours aux pédagogies ludiques ?
  • l’importance accordée à la parole et la capacité des soignants de mener une délibération, de débattre avec le patient, ses proches et les différents collègues ; ceci conduit à identifier les conditions du débat et à expérimenter ensemble la difficulté de débattre dans le respect de chacun et du souci de la patience que requièrent les cheminements intérieurs,
  • élaboration en groupe (ou sous-groupes selon le nombre) d’un projet concret d’éducation thérapeutique qui intègre les méthodes et les vigilances ; cette élaboration permet de préparer un travail d’intersession qui servira de point de départ au troisième temps.

 

Temps 3 – une ou deux journées

– Diagnostic thérapeutique ou questionner autrement le patient (suite).

Jour 1 (et éventuellement 2) :

  • ce troisième temps doit permettre de mettre les apports du temps 1 et du temps 2 dans une perspective concrète et opérationnelle ; elle s’appuie sur le travail d’intersession ; nous démarrons la journée en abordant les questions et réflexions issues du travail précédent ;
  • la journée se poursuit par la mise en commun du travail d’intersession et la mise en discussion critique de ce qui a été produit, soit l’élaboration concrète d’un projet d’éducation thérapeutique ;
  • des repères servant à l’évaluation de ces projets sont identifiés ;
  • à partir de la question stoïcienne : « qu’est-ce qui dépend de nous et qu’est-ce qui n’en dépend pas pour mener en équipe des actions d’éducation thérapeutique porteuse de sens pour la personne soignée et pour les professionnels ?», les participants identifieront les prolongements concrets et opérationnels qu’ils pourront donner à la formation ;
  • enfin, il sera réfléchi ensemble les moyens les plus pertinents pour mettre en partage en équipe les apports et fruits personnels de la formation.
  • La dernière journée se termine de préférence en présence d’un membre de l’établissement afin de procéder à une appréciation « à chaud » de la formation, tant de son contenu, que de son esprit et de sa dynamique que des conditions de sa réalisation.


Méthode pédagogique

La méthode employée s’appuiera sur une pédagogie de type adaptative destinée à ajuster les contenus de la formation au plus près des attentes des participants et des problématiques rencontrées par eux. La formation combine un apport rigoureux de connaissances, une lecture critique de celles-ci en regard des expériences et représentations des participants et une mie en perspective concrète pour la pratique du quotidien.

Chaque participant sera invité au début de la formation à faire part de ses attentes spécifiques par rapport aux objectifs annoncés. L’intervenant appropriera le programme de formation aux connaissances et expériences des membres du groupe.

L’expérience professionnelle de chacun sera sollicitée ainsi que le partage et les échanges entre les participants et le formateur.

Nous aurons recours à la grille des paradigmes dans les soins pour permettre à chacun de se situer et d’identifier les places ou postures possibles prises par le patient et ses proches.

La confrontation avec la pratique et les réalités de terrain sera privilégiée grâce aux mises en situations à partir des problématiques amenées par les participants et la recherche de comportements et de stratégies adaptés à ces situations renforceront les habiletés relationnelles et seront validées au sein du groupe.



Évaluation

Un premier temps d’évaluation individuel des acquis de la formation est prévu à l’issue de la session de formation sur support écrit. La grille servant de support peut être remise au Service de la formation de l’établissement.

Un second temps d’évaluation en présence d’un responsable des services concernés et du responsable de la formation continue de l’établissement est recommandé.

Ces deux temps de formation pourraient être suivis par une procédure menée par l’établissement et dont nous pouvons convenir, si cela est souhaité, les modalités en commun. L’expérience menée dans d’autres établissements est celle de réunir deux groupes environ six mois après la formation et en présence de responsables de l’établissement afin d’échanger sur les effets de la formation, les bénéfices observés et les difficultés rencontrées.


Accueil des stagiaires présentant un handicap

Afin d’adapter les méthodes pédagogiques, l’accueil, l’organisation de la salle et l’enseignement, il est souhaité que le formateur soit avisé de la présence d’une personne présentant un déficit sensoriel ou moteur.


Public

  • Équipe médicale
    /
  • Équipe pluridisciplinaire
    /


Intervenants

  • Chantal Dupont
    ,
  • Walter Hesbeen
    ,
  • Serge Philippon
    ,


Pré-requis

Aucun



Durée

4 jours


Lieu

À définir


Tarif

Dès 100€ /j. /p. pour un groupe de 12


Délais d'accès

Sous 2 semaines





Rèf. GEFERS : S09
Rèf. OGDPC : 4196

Mis à jour le 6 novembre 2023