L’annonce d’un diagnostic

Quelle que soit sa nature, la maladie ou l’accident est ce qui affaiblit l’humain. Le diagnostic grave qui en résulte parfois et les inquiétudes fondées ou non qui s’en suivent et se manifestent, au-delà de l’affaiblir, confrontent l’humain à une vulnérabilité plus grande, à un risque accru de fragilité. Aussi, le sens de la formation est-il celui de réfléchir à ce qui se vit par la personne et son entourage ainsi concernés par l’annonce d’un diagnostic en vue d’aider les professionnels à prendre conscience de l’impact de leurs manières d’être, de faire et de dire sur les personnes concernées et, ainsi, déployer une vigilance tant individuelle que collective en vue de faire preuve, du mieux qu’ils le peuvent, d’une pertinence dans l’action. Tant dans l’action qui consiste en une annonce du diagnostic par le médecin que dans les actions de toute une équipe qui s’en suivent.



Objectifs

Avant même que d’établir un quelconque degré de gravité, la survenance d’un fait pathologique s’inscrit dans une incertitude, incertitude quant à l’importance de ce qui arrive et incertitude quant aux conséquences de toutes natures auxquelles l’on sera confronté. Or, l’incertitude dans les situations humaines, quelles que soient ces situations, ne laisse pas en paix ; elle agite intérieurement avec une intensité qu’il est parfois bien difficile de maîtriser. L’incertitude est ce qui génère de l’inquiétude qui, elle-même, débouche sur des réactions très personnelles ancrées dans la manière que chacun a de vivre ce qu’il a à vivre, de faire face à ce qui le touche, à ce qui le concerne directement, en particulier ici lorsque sa santé est atteinte, lorsque son corps est abîmé ou est en train de se dégrader. On comprend aisément que la personne ne peut se sentir bien traitée, ne peut avoir le sentiment d’être respectée, d’être considérée dans sa singularité si les professionnels ne tiennent pas compte de ce qui l’inquiète elle, s’ils n’accordent pas de l’importance à ce qui est important pour elle, s’ils ne se soucient de ce qui soucie cet autre, même si de leur point de vue de professionnels, ce qui inquiète l’autre, ce qui est important pour lui, leur semble dérisoire.

 

Lorsque le diagnostic associé à un événement pathologique est difficile à entendre, à accepter ou se présente comme grave, les questions quant au devenir foisonnent avec une intensité plus forte et qu’il est parfois bien difficile de supporter. Elles n’expriment pas nécessairement une peur face à la mort mais surtout la prise de conscience que la vie bascule voire s’arrête. La question de fond est : comment vais-je vivre tout ça ? Elle se prolonge régulièrement par : comment les autres qui me sont proches vont-ils vivre avec ce qui m’arrive ? De la sorte, l’annonce d’un diagnostic grave augmente l’inquiétude, inquiétude d’une dégradation physique et d’une dépendance à l’égard des autres et des structures, inquiétude d’une mort qui peut surgir assez rapidement ne laissant pas le temps de faire ce que l’on a le désir de faire, de mettre en ordre ce qui doit l’être, inquiétude quant aux traitements contraignants et parfois difficiles à supporter qui en résultent, inquiétude quant à la douleur et à la souffrance qui peuvent surgir et s’installer et que l’on n’est pas certain de pouvoir supporter ; inquiétude quant aux répercussions sur les proches, le sentiment de les envahir ou la crainte de se sentir humilié ; inquiétude encore quant à l’activité professionnelle ou scolaire, quant à ses relations s

 

 

ociales et amicales, quant à la capacité de s’adonner aux activités que l’on aime, de pouvoir encore savourer ce qui fait plaisir ; inquiétude ou contrariété de voir ses projets entravés voire définitivement empêchés.

 

L’humain face à l’annonce d’un diagnostic est ainsi confronté à l’inquiétude de ce qu’il va devenir avec ce qui lui arrive. Plus que la crainte même de la mort, même si cette crainte ne peut être écartée, cette inquiétude est celle de la capacité qu’il aura de vivre avec dignité ce qu’il a à vivre, aux répercussions sur son existence et sur celle des personnes qui lui sont chères. Cette inquiétude génère des réactions, des comportements, des mécanismes de défense ou de protection, des peurs indicibles, des angoisses inexplicables et pourtant si présentes, si envahissantes et qui s’expriment sous toutes sortes de formes : tristesse, chagrin, colère, mauvaise humeur ou mauvaise foi, crispations, marchandage, infantilisation, régression, etc. L’humain témoigne ainsi de sa fragilité, se montre même vulnérable ; il nous dit quelque chose, comme il le peut, de sa souffrance.

 

Ce sont ces réactions, cette souffrance qui s’exprime sous des formes diverses qui requièrent l’attention particulière des professionnels, une attention délicate et subtile qui témoigne de la considération, de l’estime qu’ils ont pour cet autre souffrant en vue de l’accompagner, du mieux qu’ils peuvent, dans l’épreuve qui est la sienne et qui se répercute, le plus souvent, sur ses proches. Accompagner cet humain c’est, en premier lieu, réfléchir à l’humanité de cet autre pour ne pas le réduire ni à son diagnostic, ni aux manières parfois troublantes qu’il peut avoir de réagir à l’annonce de ce qui lui arrive. Considérer l’humanité singulière de cet autre ne va pas de soi, y compris pour les professionnels de la santé les plus expérimentés, car cela requiert de porter un regard neuf sur chacun et d’aller au-delà de la spontanéité de ses sentiments et réactions. Il s’agit de la sorte de se montrer vigilant en équipe quant aux manières d’être, de faire et de dire de chacun pour ne pas banaliser ce que cet autre vit, pour ne pas lui faire courir le risque de négliger sa dignité.

 

Face à ces réactions qui expriment la manière singulière qu’un humain a de vivre ce qu’il a à vivre lorsque sa santé est concernée, les professionnels ne peuvent pas vraiment trouver une aide durable dans le recours à leurs savoirs biomédicaux et dans leurs capacités techniques ; c’est d’une véritable compétence relationnelle de situation dont il est ici question et qui concerne chaque membre d’une équipe.

 

C’est parce qu’il s’agit d’une compétence relationnelle de situation que la formation s’attachera à réfléchir concrètement à partir de situations cliniques rencontrées par les participants et présentées par l’intervenant au sens de deux grandes notions : le respect du patient et de son entourage et l’aide qu’on peut leur apporter ainsi que l’aide aux professionnels confrontés aux réactions parfois déroutantes que la situation génère.

Précisons, néanmoins, qu’une telle compétence relationnelle ne saurait se résumer à « faire du relationnel » tel un ajout pour mieux « faire passer » un message, ni à confier ce relationnel à un membre non professionnel extérieur à l’équipe car cela ne conduirait qu’à rester à la surface des choses. En effet, nous sommes au cœur de la complexité de l’humain, un humain dont la sensibilité est exacerbée du fait même de sa maladie.

 

Que retenons-nous de ceci pour la formation ?

 

Ce qui oriente la formation s’inscrit véritablement dans la perspective d’une compétence relationnelle de situation et l’intelligence du singulier sur laquelle elle se fonde. Cette compétence et cette intelligence seront alimentées durant le temps de formation afin de pouvoir s’exprimer concrètement au sein des situations et s’évaluer régulièrement en équipe grâce au recours épisodique à la relecture éthique de situations. Dès lors, la formation repose sur quatre grands axes :

 

  1. réfléchir à une éthique du quotidien des soins et, dès lors, à la singularité de l’humain confronté à la maladie ou à l’accident et à l’annonce d’un qui en résulte.
  2. apporter des connaissances relatives aux différents aspects psychiques qui se manifestent à l’annonce d’un diagnostic,
  3. s’exercer concrètement à l’écoute, à la reformulation, à l’accueil des émotions, de l’agressivité, etc.
  4. procéder à des relectures éthiques de situations de soins afin de permettre à chacun de se situer dans le travail d’équipe et de mieux identifier les exigences associées à une cohérence d’ensemble.

 

Il s’agit, par la formation, de réfléchir à ce qui se vit de manière singulière par un humain et son entourage qui sont ensemble concernés par l’annonce d’un diagnostic ; d’y réfléchir concrètement en vue d’aider les professionnels à déployer une vigilance et à faire preuve, du mieux qu’ils peuvent, d’une pertinence humaine dans l’action. Tant dans l’action qui consiste en une annonce du diagnostic par le médecin que dans les actions de toute une équipe qui s’en suivent.

 



Contenu

Pour déployer cette vigilance et pour exercer cette pertinence humaine, la formation conjugue des temps de réflexion à partir de situations concrètes, des apports de connaissances relatives aux manières qu’a une personne de faire face à l’annonce d’un diagnostic, des techniques de communication auxquelles les professionnels peuvent avoir recours et l’entraînement pratique de ces techniques.

 

L’intervenant que nous avons choisi pour mener cette formation est médecin psychiatre. Il s’est spécialisé dans la psychologie médicale de liaison. La psychologie médicale de liaison permet d’établir le lien entre les affections somatiques et leurs répercussions psychiques et existentielles. Elle est celle, également, qui permet d’exercer une fonction de médiation, médiation entre les membres d’une équipe ainsi que médiation avec le patient, les proches et les difficultés que chacun, malade, professionnel, entourage, peut éprouver face à ce qui se vit dans une situation où la vie bascule voire où la mort s’annonce avec insistance.

 

La formation comporte deux temps, soit 2 jours consécutifs et 1 journée à distance, ce qui permet un temps d’intersession et le cheminement que ce temps favorise.

 

Jours 1 et 2 :

  1. La notion de difficulté ou de gravité :
  • qu’est-ce qu’un diagnostic difficile ou grave ?
  • par qui et pourquoi est-il considéré comme difficile voire grave ?
  • pourquoi l’annonce d’un diagnostic pose problème ?

 

  • Analyse du vécu du soignant devant un « risque » de gravité :
  • Aveu d’un possible échec ?
  • Remise en cause d’une valeur importante : assurer la vie à tout prix ?
  • Crainte de devoir souffrir avec l’autre ? D’être dépassé par la souffrance de l’autre ?
  • Peur que le patient ne « s’effondre » devant nous ? Qu’il ne se suicide après l’annonce ?
  • Remise en question d’une toute puissance ?
  • Rappel plus ou moins conscient d’une blessure personnelle ? D’une histoire familiale ?

 

Exercice : chaque participant note avec ses mots ce qui semble être pour lui la principale difficulté à « annoncer un mauvais diagnostic »

Retour dans l’anonymat, et présentation de la géographie des craintes et difficultés.

 

  1. La question éthique face à un mauvais diagnostic:
  • Faut-il annoncer un mauvais diagnostic ?
  • Arguments « pour » et arguments « contre »

A mettre en lien avec l’exercice précédent, concernant les arguments « contre »

 

  1. Quelles sont les réactions possibles ?
  • Quelles sont les réactions psychiques qui se manifestent ? Quels sont les mécanismes à l’épreuve ?
  • Apport de connaissances en vue d’expliciter les réactions possibles d’un patient face à l’annonce d’un diagnostic:
    • déni
    • réaction agressive
    • dépression
    • acceptation
    • désir de s’informer davantage, auprès d’autres soignants
  • Réactions de l’entourage et conflit potentiel entre les personnes qui composent cet entourage et le patient.

 

  1. Comment les valeurs en présence, tant celles des patients, de leurs proches que des professionnels s’invitent-elles dans la manière d’annoncer et de recevoir un diagnostic grave ?

 

 

  1. Le temps de l’annonce :
  • Quand annoncer ? – Quel est le contexte de l’annonce ?
  • Quelle ritualisation de l’information donnée par le médecin ?
    • Si tous les professionnels sont porteurs d’un « message », qui annonce quoi ?
    • Comment prendre en compte que tous les soignants seront interpelés par le patient lorsque celui-ci le souhaitera ?
    • Comment l’annonce peut-elle se préparer en équipe et quels moyens celle-ci peut-elle se donner pour assurer sa cohérence ?
  • Comment s’assurer d’une bonne circulation de l’information au sein du service ?
  • Comment accepter d’être touché par une situation sans se laisser déborder par celle-ci ?
  • Quelle patience pour les cheminements intérieurs les professionnels sont-ils capables d’accorder au patient et à ses proches ?

 

Exercice : à partir d’exemples pris dans les soins au quotidien : comment disons-nous quelque chose au malade à propos de son état de santé ?

 

Temps d’arrêt : est-ce que tout ce qui précède parle aux professionnels présents ? Ont-ils des situations à rapporter qui confirment ou nuancent les propos ?

 

  1. Les aspects techniques de la communication :
  • Comment annoncer ?
  • Quelques techniques de communications :
    • Un décor approprié.
    • Réfléchir aux lieux où se déroule l’annonce selon les différents cas de figure de celle-ci.
    • Qu’est-ce qu’une annonce « ouverte » ?
    • Qu’est-ce une question floue ? Comment « ouvrir » une question floue ?
    • Quel est le tempo d’une bonne communication ?
    • Comment s’exprimer et écouter sans chercher à convaincre ?
    • Comment oser la question « qu’est-ce que je peux faire pour vous » et accueillir la réponse, quelle qu’elle soit ?
    • Comment accepter de n’avoir rien à dire et ainsi préférer un silence judicieux à une parole indélicate ?
    • Comment accueillir sans le minimiser ce qui est important pour l’autre, se montrer soucieux de ce qui le soucie sans limiter notre intérêt aux seuls aspects qui nous semblent importants dans notre regard de professionnels ?

 

Exercice : mise en situation à partir de scénarii remis aux participants.

Pour autant que les participants l’acceptent, les mises en situation seront filmées et discutées en groupe.

 

  1. Et après l’annonce, accompagner le patient et ses proches :

Le soin porté à l’autre s’inscrit dans une rencontre et un accompagnement. Que faire des manifestations suite à l’annonce ? Comment accompagner chacun – patient et proches – dans ce qui l’agite, dans ce qui l’inquiète ou le préoccupe ?

 

Jour 3 :

 

Quelles questions et réflexions souhaitons-nous exprimer et partager suite à la première session ? Quelles difficultés ressentons-nous ? Quels soulagements avons-nous perçu ?

 

  1. L’évaluation d’une annonce :

Une pratique qui n’est pas évaluée ne peut évoluer. La relecture éthique de l’annonce permet d’évaluer celle-ci. Elle conduit à interpeller les manières d’être et de faire face à la singularité d’une situation.

  • Comment procède-t-on à une relecture éthique de situation de soins ?
  • Quels retours donnent chacun des membres d’une équipe face aux manières qu’ont eues un patient et ses proches de réagir, de se comporter, d’exprimer leurs ressentis, de solliciter les uns puis les autres ?
  • Quelles interrogations suscitent les manières d’être et de faire des professionnels ? Quelles sources de satisfaction ou de difficulté ?
  • Quels regards portent ceux qui ont procédé à l’annonce sur ce qui a été fait ?

 

Conclusions de la formation et des trois journées.



Méthode pédagogique

La méthode pédagogique conjugue des apports de connaissances à des aspects pratiques tirés, entre autres, de l’expérience de chacun et des interrogations exprimées.

Interactive, la pédagogie est basée sur les échanges entre le formateur et les personnes en formation et entre les membres du groupe eux-mêmes. Les expériences des uns sont ainsi réutilisées pour aider à la compréhension des autres membres.

 

Tout en respectant les objectifs de la formation, une grande souplesse préside au suivi des journées. Celle-ci est nécessaire pour être à l’écoute de chacun dans ses interrogations, ses craintes éventuelles ou ses difficultés. Des liens entre les concepts éclairants des expériences heureuses ou malheureuses permettent de mieux les appréhender et de comprendre ce qui a pu réussir ou mettre en difficulté. Des apports réglementaires et conceptuels seront apportés en lien avec les situations. L’échange et les reformulations permettront de s’assurer d’une compréhension commune.

 

La posture des formateurs du GEFERS est ancrée dans l’accompagnement du cheminement de chaque participant afin d’assurer la compréhension et l’intégration des apports de la formation. Sur le plan éthique, cette action de formation se déroule dans le souci du respect de chacun et de la tolérance aux situations présentées. La confidentialité et la non substitution à l’autre sont posées comme des règles incontournables.



Évaluation

Un premier temps d’évaluation individuel des acquis de la formation est prévu à l’issue de la session de formation sur support écrit. La grille servant de support peut être remise au Service de la formation de l’établissement.

Un second temps d’évaluation en présence d’un responsable des services concernés et du responsable de la formation continue de l’établissement est recommandé.

 

Ces deux temps de formation pourraient être suivis par une procédure menée par l’établissement et dont nous pouvons convenir, si cela est souhaité, les modalités en commun. L’expérience menée dans d’autres établissements est celle de réunir deux groupes environ six mois après la formation et en présence de responsables de l’établissement afin d’échanger sur les effets de la formation, les bénéfices observés et les difficultés rencontrées.


Accueil des stagiaires présentant un handicap

Afin d’adapter les méthodes pédagogiques, l’accueil, l’organisation de la salle et l’enseignement, il est souhaité que le formateur soit avisé de la présence d’une personne présentant un déficit sensoriel ou moteur.


Public

  • Équipe médicale
    /
  • Équipe pluridisciplinaire
    /


Intervenants

  • Michelle Andrien
    ,
  • Serge Philippon
    ,


Pré-requis

Aucun



Durée

2 à 3 jours


Lieu

À définir


Tarif

Dès 100€ /j. /p. pour un groupe de 12


Délais d'accès

Sous 2 semaines





Rèf. GEFERS : S07
Rèf. OGDPC : 41961400002

Mis à jour le 6 novembre 2023